somebody to lean on (sihem)

RUN AND SCREAM FOR YOUR LIFE, THE DEVIL IS GONNA GET'CHA


Blottie dans sa couverture, Sihem tremblait de peur. Le bruit des bombardements était assourdissant et même si cela se répétait de plus en plus ses derniers mois, elle ne parvenait pas à s'y habituer. Sa propre ville, sa chère Damas, cet endroit où elle était née et qu'elle connaissait sur le bout des doigts, était déchirée sous des motifs que Sihem ne comprenait pas tout à fait. La porte de sa chambre s'entrouvrit sur le corps rassurant de son frère, de deux ans son aîné, Yacine. Ce dernier s'assit sur le bord du lit de l'adolescente. Sihem vint se blottir dans les bras de son frère, ce même frère qui trouverait la mort un an plus tard, se trouvant par hasard sur les lieux d'un attentat suicide. Yacine s'étendit près d'elle et Sihem resta tout contre lui. Il avait quelque chose de rassurant et il l'était, réellement. C'était lui qui expliquait à sa jeune sœur ce que certains termes politiques signifiaient, leur père estimant que c'était une affaire d'hommes, que les femmes ne devaient pas s'en mêler.

« Les autorités signalent un attentat suicide à proximité de la Grande mosquée des Omeyyades ». Les informations répétaient en boucle la même information alors que Sihem et sa famille restait prostrée auprès du téléphone, attendant le moindre signe de vie de Yacine qui travaillait à deux pas de là, littéralement. Finalement, le signe qu'ils attendaient tous vint de la porte d'entrée à laquelle on sonna. Le père de Sihem alla ouvrir. Il y eut un silence. Puis un hurlement déchirant. C'est au décès de l'un de ses cinq fils que le père de Sihem décida d'agir : il était temps de quitter la Syrie avant qu'un autre drame ne les déchirent.

Tout lui était étranger, ici. L'Amérique, Sihem n'en avait jamais rêvé. C'était la terre de l'oppulence et des vices. Elle, elle n'était que simplicité et naturel. Il y avait trop de bâtiments, trop de gens, trop de superficiel à son goût et pourtant, c'était sa terre d'accueil. C'était l'endroit où elle allait désormais pouvoir vivre en sécurité, loin de la guerre civile qui déchirait sa chère Syrie. Ils étaient accueillis à l'aéroport par une famille bénévole de l'association d'aide aux immigrés, aux réfugiés politiques, les Sassani. Sihem les salua poliment, posant son regard sur leur fils. Il était charismatique, avec un sourire chaleureux et large comme Sihem n'en avait plus vu depuis des mois sur les grises mines des syriens endeuillés. « Karim » lança-t-il alors qu'elle le saluait tout en pudeur d'un signe de tête. « Sihem », répondit-elle simplement.


« Eh la beurette ! ». Sihem marchait dans les couloirs de l'université où elle avait obtenue une bourse grâce aux efforts de l'association. Elle s'arrêta mais ne se retourna pas. Elle savait très bien qui l'on désignait par ce terme négatif. Sihem avala sa salive, difficilement. C'était incessant. On la désignait sans cesse en lui manquant de respect depuis qu'un professeur avait eu la merveilleuse idée de parler, lors d'une conférence coutumière de l'université sur l'actualité, que celle-ci accueillait une étudiante refugiée politique. Il avait dit cela pour saluer l'ouverture d'esprit de la faculté sans se douter qu'il avait ouvertement ouvert la chasse aux sorcières. « C'est toi qui a tué Heather, on le sait tous ». Ce con parlait du meurtre datant de début septembre, d'une étudiante de sororité. Comme Sihem ne se retournait pas, il vint jusqu'à elle, la dépassant et se retournant pour lui faire face. « Les gens comme toi, c'est tous des meurtriers et des terroristes ». Sihem était incapable de lui répondre. On ne lui avait jamais appris à répliquer et elle ne connaissait pas la méchanceté. On lui faisait mal, elle ne répondait pas. Ses frères lui disaient de s'endurcir mais elle n'y parvenait pas. Le jeune homme la bouscula, une fois puis deux, avant qu'un second étudiant ne s'interpose pour aider Sihem dont les affaires étaient tombées. Elle se baissa, commençant à ramasser ses affaires. En se relevant, elle sourit timidement à son sauveur. « Merci ». Il lui sourit en retour. « Je t'en prie, Sihem ». Elle ne lui avait jamais dit son prénom.

« Karim, tu devrais faire attention. Des étudiants ont lancés une véritable chasse aux sorcières à l'égard des gens comme nous. Ils sont capables de tout pour mettre le meurtre de cette fille sur le dos de quelqu'un. Fais attention à toi »